C’est quoi une publication scientifique?
C’est « simplement » expliquer ce qu’on a fait, avec une présentation du contexte et du pourquoi on l’a fait, un détail de l’exposé des méthodes employées, une description des résultats pour aboutir au développement de la conclusion de tout ce travail remis dans le contexte.
Lorsque la rédaction est terminée, il reste une étape très importante, et qui peut parfois durer aussi longtemps que la première: la soumission au journal choisi.
Dans chaque discipline, il existe une très grande quantité de journaux spécialisés internationaux et il faut choisir celui qui a l’indice d’impact le plus élevé, c’est-à-dire celui qui est le plus souvent consulté. Simple, me direz-vous. Non ! Pour deux raisons.
La première concerne l’acceptation par le comité éditorial qui juge rapidement si oui ou non l’article s’inscrit bien dans l’ensemble des sujets abordés par le journal.
La deuxième est relative au comité de lecture (très souvent composé de deux experts « rapporteurs ») chargé d’évaluer la qualité de l’article. Et c’est à ce niveau que ça peut prendre beaucoup de temps parce que les experts « rapporteurs » n’ont pas toujours le temps de s’y consacrer tout de suite. Dès lors, après trois à quatre semaines d’attente, l’article est envoyé à un autre rapporteur, etc. Les experts envoient ensuite leur rapport d’évaluation avec leurs exigences quant aux améliorations à apporter au travail. Et c’est aussi à ce niveau que ça peut coincer !
Les scientifiques sont humains et donc aussi sujets à la mauvaise foi, ou au désir de « descendre » un collègue, ou d’empêcher une publication qui va leur voler la vedette car exactement dans leur domaine, etc. Heureusement, la plupart des rapports d’évaluation ne tombent pas dans cette catégorie, donc je dirais que ça fait partie du folklore du monde scientifique, et on en rit a posteriori. Mais sur le moment même, on se sent d’abord impuissant, puis en rage, puis on mord à son tour dans des réponses bien piquantes. La vie quoi !
Mais même quand les rapports d’évaluation sont honnêtes et de bonne foi, il y a toujours des améliorations à apporter au travail, qu’il faut alors re-soumettre pour aval. Tout ça prend donc un certain temps, sauf si vous avez un bon copain dans le comité éditorial qui prend sur lui d’accepter votre article tel quel parce qu’il sait que vous êtes le meilleur ! Et ça arrive bien sûr. Mais je n’ai jamais eu ce cas de figure, ne connaissant pas assez de « beau » monde.
Le nombre de publications
Un chercheur est jugé sur le nombre de publications et la qualité des journaux dans lesquels elles sont publiées.
Mais ces critères dépendent aussi de la discipline car un chercheur en sciences humaines, ou en philosophie ou en sciences, ne publie pas de la même manière ni avec la même fréquence, ceci étant lié à la durée intrinsèque des expérimentations conduites.
Dans mon domaine, on peut considérer qu’une à deux publications par an, en moyenne, est un taux de publication raisonnable. Quand c’est plus, c’est pour plusieurs raisons: soit on est chef de groupe et, de facto, on a son nom sur toutes les publications du groupe, soit on est impliqué dans plusieurs collaborations.
Le fait même d’être jugé sur le nombre de publications conduit à une maladie appelée la « publicationite » dans notre petit milieu. Et certains scientifiques peu scrupuleux n’hésitent pas à falsifier leurs résultats pour pouvoir publier. Ou a publier deux fois la même chose, ou des résultats très similaires, ce qui n’a scientifiquement aucun intérêt mais qui leur permet d’être remarqué par les comités chargés des nominations.
Tout le monde scientifique sait comment ça marche, le déplore, mais continue pépèrement à travailler comme ça. Parce que « Mais comment faire autrement? ».
C’est un des points soulevés par plusieurs mouvements scientifiques de grogne anti-système, comme les désexcellents, ou le mouvement slow science.
Les choses vont probablement changer, en tout cas je l’espère pour la qualité de la recherche et les conditions de travail des chercheurs.
Quant à moi …
Ma liste de publications se trouve sur le dépôt institutionnel de l’Université de Liège, qui peut s’enorgueillir d’avoir été la première à créer ce type de répertoire « open access » et à imposer aux chercheurs de déposer leurs publications dans ce répertoire. Bravo l’ULg et bravo Professeur Rentier, Recteur à l’époque.
Voici le lien vers la liste de mes publications, pour les petits curieux.