One Health et l’OMS

One Health, c’est d’abord un concept scientifique apparu dans le domaine vétérinaire.

La première apparition du concept « One Health », ou plutôt « One Medicine », c’est un article publié dans un livre qui parlait de médecine vétérinaire et de santé humaine, et faisait plutôt de la médecine comparée humain/animal: Schwabe CW (Référence 1). Calvin Schwabe invente le terme « One Medicine » et appelle à une approche unifiée des zoonoses faisant appel à la fois à la médecine humaine et à la médecine vétérinaire.

Mais cette idée circulait déjà avant chez les vétérinaires. Je vous recommande l’article « Zoonoses and Medicine as Social Science: Implications of Rudolf Virchow’s Work for Understanding Global Pandemics » (Référence 2).

« L’idée que les pandémies ont des conséquences différentes qui dépendent en grande partie des disparités sociales et des conditions d’inégalité dans différents contextes géographiques n’est pas nouvelle. Elle était déjà présente dans les travaux du médecin allemand Rudolf Virchow (1821-1902). À la base de sa pensée se trouve un engagement profond en faveur d’une compréhension holistique et multifactorielle de la maladie, qui reconnaît non seulement les processus biologiques, mais aussi sociaux et politiques. En outre, de cet engagement en faveur d’une compréhension sociale de la maladie découle une image particulière du rôle des médecins, qui sont particulièrement bien placés pour s’attaquer à cette multiplicité de facteurs. Pour Virchow, une conception sociale de la santé implique d’améliorer les conditions de la vie humaine et de s’intéresser de près aux conditions de la vie non humaine, deux éléments cruciaux pour guérir et prévenir les maladies. Le célèbre slogan de Virchow, « la médecine est une science sociale », trouve une nouvelle pertinence dans les conversations difficiles sur les disparités économiques et raciales dans le contexte du COVID-19.« 

L’approche One Health concernait d’abord la collaboration entre le monde médical (médecine humaine) et celui de la médecine vétérinaire. Elle s’avérait nécessaire pour mieux comprendre et maitriser les maladies infectieuses qui sont souvent zoonotiques (c’est-à-dire susceptibles de toucher les humains et la faune sauvage ou domestique). Il s’agissait de collaborations scientifiques.

Progressivement on a pu montrer que la surexploitation de l’environnement, les acteurs du transport, les propriétaires ou gestionnaires d’animaux, les consommateurs de « viande de brousse » et de gibier, les personnes en contact régulier avec les faunes sauvages et/ou domestique et l’environnement (et en particulier : éleveurs mais aussi pêcheurs, chasseurs, forestiers et gestionnaires d’espaces protégés) jouent un rôle important dans la diffusion et l’évolution des épidémies/pandémies. Dans ce contexte, il est évident que l’approche doit mobiliser de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société pour travailler ensemble à la promotion du bien-être et à la lutte contre les menaces qui pèsent sur la santé et les écosystèmes, tout en répondant au besoin collectif en eau, énergie et air propres, en aliments sûrs et nutritifs, en prenant des mesures contre le changement climatique et en contribuant au développement durable.

Quand on parle de One Health aujourd’hui, on s’appuie sur un constat qui a été créé pour la première fois par la société de conservation d’espèces sauvages (Wildlife Conservation Society) en 2004 et c’est ce qu’on appelle les 12 concepts de Manhattan (Référence 3). Il est posé qu’il y a un lien entre la santé des animaux et des humains.

12 concepts de Manhattan

  1. Reconnaître le lien essentiel entre la santé de l’homme, des animaux domestiques et de la faune sauvage.
  2. Reconnaître que les décisions relatives à l’utilisation des terres et de l’eau ont des répercussions réelles sur la santé.
  3. Inclure la science de la santé de la faune sauvage comme une composante essentielle de la prévention, de la surveillance, du suivi, du contrôle et de l’atténuation des maladies à l’échelle mondiale.
  4. Reconnaître que les programmes de santé humaine peuvent grandement contribuer aux efforts de conservation.
  5. Concevoir des approches adaptatives, holistiques et prospectives de la prévention, de la surveillance, du suivi, du contrôle et de l’atténuation des maladies émergentes et résurgentes, qui tiennent pleinement compte des interconnexions complexes entre les espèces.
  6. Rechercher des possibilités d’intégrer pleinement les perspectives de conservation de la biodiversité et les besoins humains (y compris ceux liés à la santé des animaux domestiques) lors de l’élaboration de solutions aux menaces liées aux maladies infectieuses.
  7. Réduire la demande et mieux réglementer le commerce international d’animaux sauvages vivants et de viande de brousse.
  8. Limiter l’abattage massif d’espèces sauvages en liberté pour lutter contre les maladies aux situations où il existe un consensus scientifique international multidisciplinaire selon lequel une population d’animaux sauvages constitue une menace urgente et importante pour la santé humaine, la sécurité alimentaire ou la santé des animaux sauvages en général.
  9. Accroître les investissements dans les infrastructures mondiales de santé humaine et animale en fonction de la gravité des menaces de maladies émergentes et résurgentes qui pèsent sur les personnes, les animaux domestiques et les espèces sauvages.
  10. Établir des relations de collaboration entre les gouvernements, les populations locales et les secteurs privé et public (c’est-à-dire sans but lucratif).
  11. Fournir des ressources et un soutien adéquats aux réseaux mondiaux de surveillance de la santé des espèces sauvages qui échangent des informations sur les maladies avec les communautés de la santé publique et de la santé animale agricole dans le cadre de systèmes d’alerte précoce pour l’émergence et la résurgence de menaces de maladies.
  12. Investir dans l’éducation et la sensibilisation de la population mondiale et influencer le processus politique afin de mieux faire reconnaître que nous devons mieux comprendre les relations entre la santé et l’intégrité des écosystèmes pour réussir à améliorer les perspectives d’une planète plus saine.

Seul le point 10 est susceptible d’être dangereux, à cause éventuellement de l’intervention du secteur privé, sinon, tout semble basé sur des intentions louables.

Tant que ceci reste dans le domaine scientifique, avec échange des observations, et que les décisions politiques restent du domaine national, il n’y a rien à redire.
Mais si un organisme non national, géré par des fonctionnaires non élus et ne devant rendre aucun compte, subsidié principalement par des fonds privés, prend le contrôle de toutes les décisions politiques relatives aux réponses à apporter aux résultats des observations scientifiques, c’est beaucoup plus problématique.
C’est ce qui se passe avec l’inclusion du concept One Health dans l’Article 5 de la Convention Pandémie de l’OMS.

Article 5. Une seule santé

  1. Les Parties s’engagent à promouvoir une approche « Une seule santé » pour la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies, reconnaissant l’interconnexion entre les personnes, les animaux et l’environnement, qui soit cohérente, intégrée, coordonnée et collaborative entre toutes les organisations, secteurs et acteurs concernés, en tenant compte compte des circonstances nationales.
  2. Les Parties s’engagent à identifier et à lutter contre les facteurs déterminants des pandémies ainsi que l’émergence et la réémergence de maladies à l’interface homme-animal-environnement en introduisant et en intégrant des interventions dans les plans pertinents de prévention, de préparation et de réponse aux pandémies.
  3. Chaque Partie protège, conformément à son contexte national, la santé des personnes et des animaux et la préservation des végétaux, avec le soutien de l’OMS et d’autres organisations internationales compétentes, en :
    (a) mettant en œuvre et examinant régulièrement les politiques et stratégies nationales pertinentes qui reflètent une approche « Une seule santé » en ce qui concerne la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies ; pertinentes ???
    (b) promouvant l’engagement efficace et significatif des communautés dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques, de stratégies et de mesures visant à prévenir, détecter et répondre aux épidémies ; et
    c) promouvant ou établissant des programmes conjoints de formation et de formation continue « One Health » pour les personnels de santé humaine, animale et environnementale, afin de renforcer les compétences, capacités et aptitudes pertinentes et complémentaires.
  4. Les modalités, termes et conditions ainsi que les dimensions opérationnelles de l’approche « Une seule santé » seront définies plus en détail dans un instrument prenant en compte les dispositions du RSI (2005) et qui sera opérationnel d’ici le 31 mai 2026.

Les points 1 à 3 ne posent pas beaucoup de problème, à part le terme « pertinentes » qui reste très subjectif. Mais le point 4 c’est autre chose. Car il faut le placer dans le contexte de tout le reste du document et du Règlement sanitaire international qui est en cours d’amendement. Or l’évolution de ces deux documents posent de grands problèmes de transparence et soulèvent de nombreuses contestations de par le monde.
En effet, malgré le manque de transparence de l’OMS à ces sujets, et le silence des media officiels à leur propos, des groupes de citoyens se sont mobilisés avec plus ou moins de succès pour avertir de la situation. Et dans ces milieux qui refusent l’omerta et qui se tiennent informés du mieux qu’ils peuvent, les informations circulent quand même.
L’assemblée mondiale de la Santé se tiendra à Genève du 27 mai au 1er juin pour discuter de ces points. Mais il semble qu’il n’y ait pas eu d’accord dans le délai légal pour pouvoir valider ces documents. Croisons les doigts.

Références

  1. Schwabe CW, Veterinary Medicine and Human Health 3rd Edition 1984.
  2. « Zoonoses and Medicine as Social Science: Implications of Rudolf Virchow’s Work for Understanding Global Pandemics », Abigail Nieves Delgado & Azita Chellappoo, The Viral Politics of Covid-19, Part of the book series: Biolegalities ((BIOGA)) (https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3942-6_5)
  3. les 12 concepts de Manhattan : https://oneworldonehealth.wcs.org/About-Us/Mission/The-Manhattan-Principles.aspx

Et encore
A history of One Health
B.R. Evans, F.A. Leighton
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 2014, 33 (2), 413-420

Cet article est publié dans la(les) catégorie(s) Opinion